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Le mouvement syndical international et les élections au Brésil

Inséré sur le site web de l'UITA le 05-Nov-2002

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En élisant Luis Inacio Lula da Silva à la présidence du Brésil le 27 octobre, les Brésiliens/nes ont voté à une écrasante majorité en faveur du changement. Le vote massif en faveur du candidat du Parti des travailleurs (PT) n’est pas seulement un vote de désaveux envers les politiques néolibérales de la coalition gouvernementale précédente, un signe de protestation contre la corruption ou le rejet d’une élite déchue. Le vote en faveur de Lula est surtout un vote massif et positif pour des emplois pour les chômeurs/euses, des terres pour les sans-terre ainsi que pour la dignité et la justice dans un pays marqué par des inégalités frappantes, la faim et la violence.

L’étonnante victoire du PT – la première de cet ordre au Brésil – est une victoire pour le mouvement ouvrier, puisque les syndicats restent le cœur à partir duquel le PT tisse son réseau d’organisations sociales et d’activistes. C’est aussi une victoire pour le mouvement ouvrier sur le plan international et nous devons maintenant nous préparer à défendre le nouveau gouvernement et contribuer à lui octroyer la marge de manœuvre et les ressources dont il aura besoin, afin d'éviter que les immenses espoirs et l’énergie inspirés par l’élection de Lula ne se dissipent.

Les millions de Brésiliens/nes qui ont voté pour Lula n’ont pas voté en faveur d’une meilleure administration de l’austérité et du gouvernement par le FMI. Ils/elles ont voté en faveur de réformes véritables, et c’est là que réside le défi – parce que peut-être jamais dans l’histoire l’écart entre les aspirations et les ressources disponibles pour amener les changements demandés n’a été aussi grand qu’il ne l’est aujourd’hui au Brésil.

Le précédent gouvernement a légué au peuple brésilien une dette écrasante, une monnaie en chute libre et des contraintes draconiennes sur les dépenses publiques, qui étaient le prix à payer pour obtenir toujours plus de prêts, accordés au départ afin de soutenir Cardoso et empêcher le PT d’accéder à la présidence. Les flux monétaires spéculatifs et les taux d’intérêt élevés ont sapé la production industrielle, tandis que les importations connaissaient une forte augmentation – l’une des raisons pour lesquelles de nombreux industriels ont appuyé la candidature de Lula. L’industrie brésilienne a elle aussi de bonnes raisons de craindre les propositions en vue de l’établissement d’une Zone de libre-échange des Amériques sur le désastreux modèle de l’ALENA, qui fermerait la porte à l’établissement d’une politique industrielle nationale. Une alliance tactique entre les syndicats et les manufacturiers disposés à respecter les droits syndicaux fondamentaux serait donc parfaitement bien inspirée dans la situation actuelle. Mais une telle alliance lierait aussi les mains du gouvernement. Les réformes coûtent cher, et les institutions prêteuses internationales sont organisées de façon à assurer que les sommes consenties sont consacrées au service de la dette plutôt qu’au financement de la réforme agraire, des services sociaux et de l’amélioration des conditions de vie des pauvres.

L'enjeu de la mise en place de réformes profondes et durables dans ce pays est aussi important pour le mouvement syndical international que pour le peuple du Brésil et nous devons agir pour faire en sorte que le gouvernement de Lula ne reste pas assujetti à un système financier international abusif. Lula pourrait ne pas avoir d'autre choix que celui d’accepter les obligations que lui ont laissés ses prédécesseurs. Ceci ne peut pas et ne doit pas nous empêcher de faire campagne en faveur de l’annulation de la dette extérieure des pays en développement, un projet à la fois réalisable et nécessaire.

Le représentant du commerce extérieur des États-Unis, Robert Zoellick, a déclaré que le Brésil devait choisir entre les échanges commerciaux au sein de la ZLEA ou les échanges commerciaux avec l’Antarctique. Cette déclaration est dangereuse autant qu’elle est absurde. L’ALENA est un désastre social, économique et environnemental. Les propositions visant à l’étendre à l’ensemble de l’hémisphère peuvent et doivent être rejetées. La solution de rechange à la ZLEA n’est pas le commerce avec l’Antarctique, bien que les propositions de jeter aux ordures le Traité sur l’Antarctique et de le mettre à disposition de l’exploitation minière à ciel ouvert donnent une bonne idée du traitement qui pourrait être réservé à l’Antarctique dans le cadre de la ZLEA. La solution de rechange est un système commercial axé sur le développement et le relèvement des normes sociales et environnementales et non pas leur abaissement. Ici encore, le mouvement syndical international a un rôle crucial à jouer.

Le Parti des travailleurs est célèbre pour avoir mis en place à Porto Alegre un «processus participatif» d’élaboration des budgets par lequel le budget municipal est soumis à un processus d’examen public et de prise de décision démocratique. Les organisations syndicales peuvent contribuer au succès du Parti des travailleurs au Brésil en surveillant activement les politiques nationales et internationales envers le nouveau gouvernement – au premier chef les politiques financières et commerciales – afin de contribuer à lui octroyer la marge de manœuvre et les ressources dont il a besoin. La victoire de Lula souligne la nécessité urgente de tirer les politiques du FMI et les ententes commerciales de l’hémisphère hors des officines des sociétés et de les amener sur la place publique, pour les soumettre aux mêmes critères que ceux appliqués par les citoyens/nes de Porto Alegre dans l’évaluation de leur budget municipal.