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Le G20 et ensuite – Des questions pour le mouvement syndical

Inséré sur le site web de l'UITA le 19-Dec-2008

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La seule surprise ayant émergé du récent sommet du G20 tenue à Washington – qualifiée à l’avance de rampe de lancement d’une "nouvelle architecture des finances mondiales", de "Bretton Woods II", etc. – a été la surprise apparente face au peu de résultats. L’intervention internationale en réponse à l’effondrement économique mondial s’est limitée à en vague engagement de "réponses politiques coordonnées". Du bout des lèvres, on a parlé de stimuler la demande, au milieu des appels rituels à une "plus grande transparence" et à une "réglementation appropriée des marchés financiers". Les fonds d’investissement privés et les fonds de couverture ont été appelés à s’autoréglementer au nom des "pratiques exemplaires". Le changement climatique et l’augmentation de la faim liée à la volatilité du prix des aliments -des éléments fondamentaux de la crise - n’ont été mentionnés nulle part. Les gouvernements ont convenu de se rencontrer à nouveau… au printemps 2009.

Cependant, et malgré le rôle dévastateur et destructeur joué par le FMI dans les crises antérieures, les gouvernements représentés au sommet ont fait front commun sur la nécessité de renforcer rapidement les finances de l’institution, son mandat et sa portée. Les gouvernements ont également uni leurs voix pour appeler à une conclusion rapide des négociations du cycle de Doha, qui contiennent des dispositions ambitieuses pour assurer la croissance et l’immunité face à la réglementation d’un secteur financier confronté à une crise que les gouvernements étaient ostensiblement réunis pour juguler.

Pendant ce temps, malgré l’injection de billions de dollars de fonds publics dans les systèmes bancaires nationaux, le carnage financier se poursuit et la crise s’étend maintenant au secteur manufacturier et aux services. Alors que les emplois disparaissent d’heure en heure partout à travers le monde, des paris financiers massifs sont pris sur la dette des entreprises et la valeur des actions par des investisseurs qui tentent de profiter des dommages.

La formulation vague du communiqué final du sommet et le flou de l’échéancier sont en contraste marqué avec les exigences ciblées du secteur financier. L’Institut des finances internationales, lobby mondial du secteur financier, a établi ses exigences dans une lettre adressée au président Bush et signée par le président de l’IFI (et de la Deutsche Bank) Joseph Ackermann et quatre autre grands banquiers siégeant à l’IFI. L’IFI a deux exigences principales. Dans un premier temps, l’IFI demande la création d’un Conseil mondial de coordination de la réglementation financière, chargé de diriger le système financier international et au sein duquel le FMI jouerait un rôle renforcé de responsable de l’application des règles. Le Conseil servirait de groupe de coordination pour les banques privées et les institutions prêteuses multilatérales et serait relié à un "collège des superviseurs" chargé de surveiller (selon l’expression utilisée dans la lettre) les "30 ou 40 plus grandes institutions financières mondiales". L’IFI voit dans l’élargissement du G8, qui devient le G20, et l’octroi de droits de représentation accrus à ce qu’il appelle "plusieurs pays en développement présentant une importance systémique" le fondement de l’expansion et d’une plus grande intégration du secteur mondial des services financiers.

Si le G20 a semblé hésiter, Ackermann et ses acolytes ont un échéancier clair. Selon leur lettre, "À mesure que les institutions financières et les marchés reviendront à leur fonctionnement normal, des stratégies de sorties bien définies devront être formuées et mises en œuvre. Les mesures d’urgence ne doivent pas devenir la base d’un élargissement permanent du rôle des institutions publiques dans le système financier international : une telle situation risquerait de compromettre les perspectives de reprise d’une croissance soutenue de la production et des emplois, en introduisant des inefficacités à grande échelle dans les marchés mondiaux". Le message est clair : en temps de crise, les gouvernements doivent assurer le sauvetage du secteur financier, pour ensuite revenir rapidement à leur rôle traditionnellement plus limité de soutien à l’expansion du secteur financier privé en garantissant la dette publique.

Le pauvre résultat du G20 reflète-t-il tout simplement le manque de volonté et d’imagination des gouvernements? Ou n’est-ce pas plutôt une illusion que de s’imaginer que des solutions de rechange à l’orthodoxie néolibérale du G8 viendraient spontanément d’un groupe élargi à 20 ou même 30 banques centrales ou plus, avec leurs lobbys financiers dont le seul engagement partagé tient à la protection de la valeur de leurs réserves en dollars?

L’élargissement de la participation de pays en développement (soigneusement choisis) aux exercices du sommet mondial répond aux demandes de plus grande participation, mais laisse de côté les relations sociales et l’équilibre des forces qui sont au cœur du système et de la crise actuelle. Une nouvelle architecture financière ne pourra être construite simplement en ajoutant de nouvelle pièces à l’édifice déjà construit. De nouvelles fondations sont nécessaires et ce n’est pas en faisant des représentations auprès du FMI ou par des conclaves gouvernementaux périodiques que nous l’obtiendrons. Les demandes pour des mesures de stimulation de la demande, davantage d’équité et un plus grand respect des droits des travailleurs/euses ne seront pas mieux entendues aujourd’hui qu’elles ne l’ont été dans le passé. Toute l’expérience des deux dernières décennies au cours desquelles les gains antérieurs des organisations syndicales ont été battus en brèche sur presque tous les fronts – tend à prouver le contraire.

Le mouvement syndical, à l’échelle nationale et internationale, est confronté à une crise d’une ampleur et d’une profondeur exceptionnelles. Les institutions comme le FMI, traditionnellement utilisées pour résoudre les crises plus limitées, n’ont pas les ressources pour faire face à la crise actuelle. Quant aux gouvernements, il ne subissent pas encore les pressions politiques et sociales massives qui les inciteraient à s’attaquer à la crise d’une manière qui permettrait de renverser des décennies de destruction sociale et environnementale et de renforcer la capacité de mobilisation des travailleurs/euses.

Face à une telle situation, toutes les questions doivent être considérées ouvertes et sont une occasion pour les syndicats d’intervenir sous des formes nouvelles en forgeant de nouvelles alliances. Si le G20 est paralysé, Ackermannn, les banques et l’IFI ont un programme et les moyens de le mettre en œuvre. Quelle sera la réponse du mouvement syndical? Nous pouvons commencer à réfléchir à des solutions de rechange, en nous posant quelques-unes des questions qui n’étaient pas sur la table lors de la rencontre du G20. En voici une liste partielle :

Réglementation des marchés financiers –qu’est-ce qui doit être réglementé et pour qui?

Progressivement libéré par les gouvernements des lois et des règlements qui inhibaient son activité, le secteur financier a gagné un poids sans précédent dans l’économie mondiale. Pour ne donner qu’un seul exemple, la valeur des instruments dérivés de crédits en circulation est actuellement huit fois plus élevée que le PIB mondial. Des paris immenses sont pris sur tout, de la faillite à l’échec des récoltes. Le fait de décrire cette situation comme un casino capitaliste est une insulte à l’industrie des casinos.

La reréglementation est de toute évidence requise, mais dans que but? Le but est-il d’aider le casino à fonctionner d’une façon moins volatile et plus ordonnée, ou s’agit-il simplement de réduire la taille du secteur afin de diriger les ressources dans de véritables investissements dans les gens et les emplois. L’IFI souhaite clairement un resserrement de la réglementation, parce que ni elle, ni les banques qui en sont membre ne font encore confiance aux documents commerciaux qu'elles et leurs rivales détiennent. Ils veulent investir, mais pas nécessairement dans les emplois, les collectivités et les personnes, sauf à leurs propres conditions. Nous devrions établir une distinction entre notre réglementation et la leur.

La finance ou la véritable économie?

On nous a raconté que la crise financière s’était éloignée de son épicentre et touchait maintenant la véritable économie, celle des produits et des services. Cela n’est vrai que dans un sens limité seulement, parce que cette assertion laisse de côté l’érosion graduelle de la distinction entre les deux, qui constitue un élément crucial de la situation actuelle. Le secteurs des produits manufacturés, les services et même l’agriculture se financiérisent, les sociétés affectant des ressources croissantes à des opérations purement financières aux dépens de leurs activités manufacturières ou de la prestation de services. Depuis plusieurs années, le secteur financier est plus rentable que le secteur manufacturier pour des STN comme General Electric ou General Motors. Au cours des 12 derniers mois, le fabricant d’automobiles allemand Porsche a fait sept fois plus d’argent en levant des options d’achat d’actions qu’en fabricant des automobiles, ce qui a incité le Financial Times à poser la question suivante : Porsche est-elle un fonds de couverture ou un fabricant d’automobiles? (La bonne réponse est : les deux à la fois). La fusion du secteur financier et de l’économie réelle atteint de nouveaux sommets avec des grands fonds d’investissement privés, véhicules d’investissements propriétaire d’un portefeuille de sociétés employant des millions de travailleurs/euses . Même l’agriculture se financiérise de plus en plus, les flots immenses de capitaux spéculatifs qui se déversent sur des marchés de produits de base dont l’accès était auparavant restreint et les contrats à terme négociés dans des centres financiers lointains ayant des répercussions directes sur les producteurs dans des régions rurales isolées.

En parallèle, les sociétés manufacturières et de service qui asséchaient les liquidités de leurs entreprises au nom de la "valeur pour les actionnaires", récompensaient leurs dirigeants et leurs actionnaires par des rachats d’actions, des dividendes et des options d’achat d’actions phénoménaux. L’investissement réel dans les usines et l’équipement est réduit au minimum ou n’est entrepris qu’après avoir obtenu des travailleurs/euses des concessions importantes et le droit de recourir à la sous-traitance. Les sociétés sont devenues si minces que la moindre baisse des dépenses de consommation peut signifier la mort immédiate, notamment pour celles qui s’étouffent déjà dans leurs propres opérations financières.

La paralysie gouvernementale et la crise du crédit

Malgré l’injection de billions de dollars dans certaines des plus importantes entreprises financières de monde, les banques refusent de prêter et conservent leurs liquidités. Les gouvernements, qui sont les plus importants et peut-être même les seuls propriétaires des grandes banques et sociétés financières, ont plaidé sans succès pour qu’elles ouvrent le robinet du crédit dont dépend l’économie.

Les gouvernements semblent paralysés face à la crise du crédit parce que ces injections massives de capitaux ont dans le passé été structurées pour faciliter un contrôle minimal et un vitesse de sortie maximale (le programme de l’IFI). Il n’y a là rien d’inévitable : à titre d’actionnaire, le gouvernement peut en fait obliger les banques à prêter et déterminer comment et où les sommes seront investies. Les gouvernements peuvent également utiliser leurs pouvoirs de réglementation pour faire pression sur les banques qui n’ont pas (encore) bénéficié de fortes injection d’argent du public afin qu’elles prêtent. Elle devraient être forcées par la pression politique des masses à faire usage de leur pouvoir pour mobiliser le crédit à court terme et les investissements en capitaux nécessaires, et pour faire en sorte que l’argent ne soit pas accumulé en vue de réaliser des acquisitions ou d’obtenir des dividendes ou simplement mis en réserve dans l’attente d’un éventuel retour à des rendements annuels de l’ordre de 25 %.

Au travail, dans les rues, dans les forums publics comme dans d'autres encore à créer, nous devrions exiger que les gouvernements et les sociétés tiennent compte de la hausse du taux de chômage à un moment où des fonds publics sans précédent sont versés dans le système bancaire. À la suite de cette plus grande nationalisation dans l’histoire, le mouvement syndical devrait exiger que le secteur bancaire soit réglementé comme un bien public, structuré comme un service public et chargé de la poursuite des objectifs politiques démocratiques. L’argent doit être utilisé pour financer de véritables investissements et non pour financer la finance.