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Illusion, réalité et manipulation de l’information : Davos, rachats par effet de levier et destruction des emplois

Inséré sur le site web de l'UITA le 06-Feb-2008

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Sur un arrière-plan de crise financière et devant le spectre d’une récession mondiale, le Forum économique mondial 2008 à Davos en Suisse a publié un document sur les répercussions des rachats d’entreprises par des capitaux privés, et notamment sur leurs conséquences sur l’emploi. Alors que les participants/tes pouvaient oublier la hausse vertigineuse du prix des aliments et les émeutes causées par la faim à l’atelier intitulé « Aliments, culture et civilisation » (auquel participaient des chefs renommés) ou méditer sur « Le bonheur – Peut-on en avoir trop? », le service des relations de presse du FEM avait la tâche plus complexe de rassembler les conclusions de l’étude sur les capitaux privés. Apparemment, on espérait que peu de gens y portent véritablement attention.

L’étude mérite qu’on s’y attarde – et même qu’on la lise avec attention. Organisée par le professeur Josh Lerner de la Harvard Business School, la section portant sur les répercussions sur l’emploi s’éloigne radicalement des «études» et des «sondages» proposés par les associations de lobbyistes du capital privé, fondées sur une lecture douteuse des données très sélectives fournies par leurs membres. La section sur l’emploi du rapport du FEM est sérieuse, en dehors du fait (très) limitatif que les données proviennent exclusivement des États-Unis alors que les rachats par effet de levier ont depuis longtemps pris une envergure mondiale. L’étude se penche sur près de 5 000 compagnies appuyées par des fonds d’investissement privés et actives dans 300 000 entreprises, comparativement à un groupe non contrôlé par des fonds d'investissement privés et près de trois fois plus grand en dimension, nombre d'industries et âge, afin d’évaluer les effets sur l’emploi sur une période de cinq ans avant et après la prise de contrôle par effet de levier.

David Hall, de l’Université de Greenwich, au Royaume-Uni, qui s’était déjà penché sur les prétentions de créations d’emplois du lobby des capitaux privés et qui en avait constaté l’absence de valeur, a procédé à un examen attentif de l’étude du FEM, examen dont il publiera les résultats dans le cadre des recherches qu’il mène actuellement pour la Fédération Syndicale européenne des Services Publics (FSESP). Hall considère que le rapport du FEM constitue «l’étude la mieux fondée et la plus complète des effets des capitaux privés sur l’emploi». Il n’en souligne pas moins, cependant, une inadéquation frappante entre les données probantes, les conclusions, les manipulations médiatiques du FEM et les aventures qu’a connu le rapport dans la presse internationale.

Selon le communiqué de presse du FEM, « l’emploi présente une distribution en J dans les années qui précèdent et qui suivent le rachat ». Hall souligne que l’étude ne mentionne pas de distribution en J et que les résultats ne ressemblent aucunement à une distribution en J. Le communiqué de presse passe complètement sous silence le fait que les conclusions de l’étude indiquent que l’emploi est en baisse de 10 % cinq ans après le rachat par les fonds d’investissement privés. Le communiqué de presse déclare que «les sociétés contrôlées par des capitaux privés créent, deux ans après le rachat, 6 % de nouveaux emplois en plus que les entreprises du groupe de contrôle» en oubliant commodément qu’elles ont un taux de destruction d’emplois après fermeture de 8,6 % plus élevé! Ce faisant, les manipulateurs de médias ont falsifié les résultats de l’étude, encourageant d’autres falsifications successives… comme celle du Private Equity Council (PEC) des États-unis, qui écrit dans son propre communiqué que «les études démontrent que les capitaux privés sauvent et créent des emplois ». La BBC en a déduit que «Une étude suggère que les sociétés rachetées par des compagnies à capitaux privés ne sont pas des destructrices d’emplois à grande échelle». Le International Herald Tribune a écrit avec beaucoup d’imagination que «Les entreprises appartenant à des capitaux privés coupent en moyenne un pour cent d’emplois en plus que les autres entreprises similaires », avant de dire, trois jours plus tard, en citant le PEC, que les capitaux privés créaient 8,4 % plus d’emplois que les autres investisseurs!

L’étude a également conclu – malgré les reportages des médias – que les sociétés appartenant à des capitaux privés étaient deux fois plus susceptibles de faire faillite que les sociétés publiques. Le plus grand pourcentage de faillites revient aux acquisitions par effet de levier au Royaume-Uni et aux États-unis.

Les conclusions de Hall ? L’étude du FEM «montre sans aucun doute que l’effet sur l’emploi des prises de contrôle par des capitaux privés est négatif. Elle soutient à la fois les assertions et les critiques publiées par les syndicats. Elle contient aussi d’autres données intéressantes sur les effets des capitaux privés, notamment le doublement de l’incertitude de l’emploi».
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