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Le conflit en Suède souligne la nécessité de légaliser les actions de solidarité

Inséré sur le site web de l'UITA le 30-May-2007

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En novembre 2004, le syndicat des travailleurs/euses de la construction suédois Byggnads a organisé un piquet de protestation devant le chantier de construction d’une école à Vaxholm, près de Stockholm. Une filiale de la société lettone Laval avait obtenu le contrat des autorités locales et importé des travailleurs/euses lettons/nnes qui, bien que syndiqués, ne recevaient qu’une fraction du salaire négocié par Byggnads pour le secteur. Appuyé par l’ensemble du mouvement syndical suédois, le blocus syndical a finalement forcé la société à jeter l’éponge, et le contrat a été accordé à une société respectant les salaires établis par la convention collective.

Le conflit s’est transporté dans l’arène politique lorsque le gouvernement de la Lettonie a accusé la Suède de violer les règles de l’UE sur la libre circulation des services et que la société a intenté des poursuites contre le syndicat devant le Tribunal suédois du travail. Le commissaire de l’UE pour le Commerce interne, Charlie McCreevey, a envenimé le conflit en déclarant que le geste posé en Suède constituait un assaut intolérable contre le marché unique. L’intervention de McCreevey a eu pour effet de diviser la Commission en deux camps, réunissant d’une part les employeurs européens (y compris les employeurs suédois et lettons), qui insistaient sur la primauté du marché unique sur les conventions collectives nationales, et de l’autre le mouvement syndical européen, qui défendait la compatibilité de la négociation nationale des salaires avec la mobilité du capital, de la main-d’œuvre et des services à l’échelle européenne.

Le Tribunal du travail, renversant sa décision antérieure en faveur des syndicats, a renvoyé le dossier devant la Cour européenne de justice. L’avocat général a maintenant fait connaître sa recommandation au tribunal, dont la décision respecte habituellement les recommandations de l’avocat général (la décision finale de la Cour n’est pas attendue avant la fin 2007 au moins, et c’est également à ce moment que le Tribunal du travail devrait faire connaître sa décision finale). Selon la recommandation, l’intervention syndicale de Byggnads était conforme aux lois de l’UE; les syndicats peuvent intervenir pour imposer une convention collective à des travailleurs/euses d’un autre État-membre "dans la mesure où l’action collective est motivée par des objectifs d’intérêt public, comme la protection des travailleurs/euses et la lutte contre le dumping social".

La victoire syndicale n’est toutefois pas sans équivoque. La recommandation contient une disposition potentiellement dangereuse, qui indique que l’action ne doit pas être "disproportionnée" par rapport à l’objectif. Les employeurs suédois et leurs alliés européens voudront sans doute faire valoir que l’intervention de Byggnads était effectivement "disproportionnée" - les associations d’employeurs en Suède mènent déjà une dure campagne contre les actions syndicales "disproportionnées", y compris les actions secondaires (de solidarité), dans leurs efforts pour réduire la portée des conventions collectives nationales.

La lutte concerne bien davantage que les travailleurs/euses de Suède ou de Lettonie. La mobilité sans précédent du capital, mondialement et dans l’Union européenne – symbolisée par la progression des fonds d’investissement privés et des fonds de couverture, qui ensemble dépassent de loin l’économie de plusieurs États-membres de l’UE – a massivement miné la protection des travailleurs/euses et de l’intérêt public en général. Le fait d’ancrer solidement dans la législation de l’UE le droit des organisations syndicales de lancer des actions revendicatives - y compris des actions de solidarité de la part de travailleurs/euses qui ne sont pas directement engagés/es dans un conflit de négociation collective - donnerait un fondement juridique à un acte essentiel d’autodéfense sociale. Le dossier Vaxholm devrait être le signal faisant passer une campagne pour la légalisation des actions de solidarité, à l’intérieur et au-delà des frontières nationales, en première ligne du programme syndical européen et mondial.