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Tentative de prise de pouvoir mondiale sur la génétique par Syngenta

Inséré sur le site web de l'UITA le 01-Mar-2005

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MISE À JOUR: Confrontée à une opposition organisée à sa demande de brevet international visant à s'assurer les droits de propriété sur le processus génétique régissant la floraison chez les plantes, la société transnationale suisse des semences et des produits chimiques agricoles Syngenta a accepté de laisser sa demande de brevet se périmer. Cliquez ici pour plus d'informations.

Cecil Rhodes, l’impérialiste britannique notoire qui a donné son nom à l’ex-Rhodésie, a déjà déclaré qu’il annexerait les planètes s’il le pouvait. Ses ambitions étaient modestes lorsqu’on les compare à celles des sociétés des «sciences de la vie» d’aujourd’hui, dont l’appétit est sans limites. Rhodes a dû se contenter de l’Afrique du Sud. S’appuyant sur une notion prédatrice des «droits de propriétés intellectuelle» et sur l’Accord sur les ADPIC de l’OMC, Monsanto souhaite breveter une espèce entière, le soya. Syngenta va plus loin encore: la société s’en prend au règne végétal tout entier et a déposé une demande de brevet sur le processus par lequel les plantes produisent des fleurs.

En juin 2001, Syngenta, entreprise basée en Suisse et la plus grande société agroalimentaire au monde et la troisième en importance dans le secteur des semences, a déposé une demande de brevet (PCT/EPO2/06968, publiée sous le numéro WO03/00094) auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle afin d’obtenir les droits exclusifs sur la séquence génétique régissant «le développement et le moment de la formation des fleurs dans les plantes et pouvant être utilisée pour moduler le développement des fleurs, leur architecture et la durée de la floraison». La demande de brevet fait suite aux recherches menées sur le génome du riz, dont l’un des résultats a été le fameux «Riz doré», un riz GM enrichi de vitamine A et présenté comme la solution à la carence en vitamines A résultant de la pauvreté. Le brevet a une portée quasi-illimitée, puisqu’il prétend à la propriété du processus de formation des fleurs non seulement dans le cas du riz, mais aussi dans celui des plantes à fleurs en général. Parce que le processus de floraison du riz est similaire à celui de nombreuses autres espèces de plantes, le champ d’application du brevet englobe un certain nombre d’aliments de base et de céréales comme le blé, le maïs et les bananes, ainsi que 23 autres cultures alimentaires mondiales dont la liste apparaît à l’annexe du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. La demande de brevet déposée par Syngenta se prévaut expressément de droits sur les plantes contenant ces séquences génétiques qui n’ont toujours pas été découvertes et qui n’ont pas été classifiées dans la taxonomie. Bien qu’il ne contienne aucune invention, il n’en s’agit pas moins d’un brevet sur l’avenir, comme sur le présent.

Ce brevet fait peser une très lourde menace sur la sécurité alimentaire mondiale. Le riz GM est de loin le premier prix dans cette course des entreprises pour imposer des semences et des intrants brevetés aux agriculteurs/trices. Même sans compter les retombées des OGM, le brevet limiterait sévèrement la recherche agricole financée par les fonds publics en érigeant un mur autour de la recherche sur le mode de floraison et de reproduction des plantes.

La demande de brevet international déposé par la société a maintenant atteint la «phase nationale» du processus de protection par les brevets – et Syngenta a fait savoir qu’elle demanderait l’approbation de son monopole génétique dans 115 pays.

À moins d’une action internationale concertée pour inciter Syngenta à retirer sa demande, le brevet devra être contesté dans chacun de ces pays. L’UITA a donc uni ses efforts à ceux du Groupe ETC (anciennement RAFI), l’organisation qui a été la première à signaler la demande de brevet et à sonner l’alarme, afin de tenter de bloquer la demande. L’UITA a écrit au Dr Jacques Diouf, directeur général de l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation des Nations unies (FAO), auprès de laquelle l’UITA jouit du statut d’organisme consultatif, l’appelant à intervenir pour que la demande de brevet soit bloquée dans chacun des pays où elle a été déposée.

Les ressources et l’information génétiques des plantes doivent demeurer dans le domaine public, où elles peuvent être utilisées pour l’avantage de toute la population. Le Traité international sur les ressources phytogénétiques est censé protéger ce droit humain, mais l’Accord sur les ADPIC et les brèches dans le droit national et international sur les brevets facilitent le pillage par les entreprises de ressources génétiques qui appartiennent à tous et qui doivent servir l’ensemble de la population mondiale. Nous collaborerons avec le groupe ETC et d’autres groupes poursuivant des buts similaires à l’échelon national et international pour faire en sorte que l’attaque de Syngenta contre les ressources alimentaires mondiales soit bloquée.