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Un rapport supprimé de l’ALENA fait la preuve de la menace qui pèse sur l’agriculture globale

Inséré sur le site web de l'UITA le 04-Nov-2004

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Tout en maintenant sa plainte devant l’OMC contre le moratoire échu de l’Union européenne sur les importations d’OGM, le gouvernement des États-Unis tente de faire supprimer un rapport officiel sur la contamination du maïs mexicain par les OGM, préparé par la Commission de coopération environnementale (CCE) de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L’administration est intervenue pour bloquer la publication du rapport et s’efforce de la retarder indéfiniment, mais une fuite permet de prendre connaissance des conclusions du rapport, qui est affiché sur Internet.

Le rapport, préparé à la demande d’organisations environnementales et communautaires et de regroupements d’agriculteurs du Mexique, confirme ce qu’avaient déjà démontré des chercheurs indépendants mais que l’industrie agroalimentaire et biotechnologique et ses alliés politiques niaient avec véhémence. Au Mexique, berceau mondial du maïs et dépositaire de la plus grande variété d’espèces de maïs au monde, le maïs indigène a été largement et de façon irréversible contaminé par des variétés OGM provenant des États-Unis, malgré l’interdiction de culture commerciale des OGM décrétée par le gouvernement du Mexique .

Les céréales OGM sont des graines, et les fermiers les planteront. Le pollen se dissémine lorsque les plants viennent à maturité et les gènes brevetés s’intègrent dans le matériel génétique des variétés non génétiquement modifiées. C’est ce qui se produit au Mexique, une situation alimentée par les importations à bas prix subventionnés de grains génétiquement modifiés qui ont inondé le pays en vertu de l’ALENA.

Le rapport conclut que la seule façon pour le Mexique de protéger sa biodiversité et les communautés agricoles qui la soutiennent est de renforcer son moratoire sur la culture commercial de maïs GM. Pour y arriver, dit encore le rapport, le gouvernement mexicain doit réduire au minimum les importations de maïs GM et insister sur «un étiquetage clair et explicite des sacs, des conteneurs et des silos» contenant du maïs GM. Afin de défendre les variétés domestiques, le rapport propose également que la totalité du maïs importé soit immédiatement moulu au point d’entrée afin de bloquer à la source la contamination par les OGM.

Il n’est donc pas surprenant que l’industrie veuille à tout prix la suppression du rapport. Celui-ci reconnaît implicitement que le conflit sur les OGM n’est pas une question de «science» mais plutôt de pouvoir, et plus précisément du pouvoir d’une poignée de sociétés de semences, de produits chimiques et de commerce des semences de dicter les conditions de l’agriculture mondiale. C’est là la signification réelle de la phrase qu’on retrouve dans la conclusion du rapport, à l’effet que «Les pressions économiques associées à l’agriculture et les asymétries actuelles dans les aspects économiques du commerce du maïs entre les États-Unis et le Mexique pourraient amener les fermiers et les petits agriculteurs à abandonner les variétés domestiques». Forcer les campesinos mexicains à abandonner les variétés locales de maïs est précisément le programme poursuivi par les grandes sociétés agroalimentaires dans le cadre de l’ALENA. Il ne s’agit pas simplement de s’emparer du marché mexicain du maïs pour le compte des entreprises agroalimentaires étasuniennes (le Canada dépend déjà dans une grande mesure des OGM pour le maïs et le soya), mais de rendre l’agriculture mexicaine dépendante des intrants brevetés pour les semences, les pesticides et les autres produits chimiques. Le gouvernement des États-Unis, dans ses commentaires sur le projet de rapport, est rapidement allé à l’essentiel: «l’application de la recommandation selon laquelle toutes les expéditions commerciales de maïs devraient être moulues immédiatement à l’arrivée constituerait une entrave importante au commerce».

Le rapport est particulièrement embarrassant puisque l’administration Bush ne se contente pas de porter plainte à l’OMC contre les restrictions flageolantes de l’UE contre les OGM. Elle se prépare actuellement à porter une deuxième plainte devant l’OMC contre les exigences d’étiquetage de l’UE. Dans le cadre d’une offensive plus large visant à abattre les « entraves » à l’expansion des exportations de produits alimentaires de base, elle impose le maïs GM à l’Afrique sous la forme «d’aide alimentaire» et pave la voie à la culture universelle de riz GM, objectif ultime des entreprises.

Le CCE a été constitué en vertu des «accords parallèles» à l’ALENA afin de vendre l’entente à un public inquiet des répercussions du «libre échange» sur la santé, la sécurité et l’environnement. Tout comme l’accord parallèle sur les droits des travailleurs/euses adopté au même moment et pour les mêmes raisons, il s’agit d’un appendice sans pouvoirs réels ajouté à un véhicule d’élargissement du pouvoir des entreprises. Les conclusions et les recommandations du projet de rapport sur le maïs mexicain peuvent toutefois servir de lignes directrices minimales afin de limiter la contamination future par les OGM, en Amérique du Nord et ailleurs.

On peut également tirer un certain nombre d’autres conclusions de ce rapport. Au premier chef, les pays africains qui ont été ridiculisés et menacés par l’administration Bush parce qu’ils insistaient pour moudre le maïs importé des États-Unis avaient absolument raison. Le African Growth and Opportunity Act de 2000, qui associe un accès élargi au marché à des concessions politiques, a servi de véhicule pour forcer les gouvernements à abandonner leurs efforts pour défendre la sécurité alimentaire, la biodiversité et la santé publique. En refusant le grain étasunien non moulu, les gouvernements africains appliquent simplement le principe de précaution. Ils méritent que leurs efforts reçoivent un appui plus large, afin d’éviter qu’ils ne soient forcés de se soumettre par la famine.

Deuxièmement, le rapport démontre, s’il le fallait encore, que la «ségrégation» et la «séparation» des cultures GM et naturelles est une fraude perpétuée par l’industrie pour des raisons de relations publiques. Là où il y a production commerciale des OGM, la contamination est inévitable et irréversible.

Troisièmement, la question des OGM est principalement une question de droits, de pouvoir et de contrôle. La biodiversité et les petites exploitations agricoles ne sont pas les seules victimes de la déréglementation du commerce mondial. La majorité des semences génétiquement modifiées sont conçues pour résister à des doses élevées d’herbicides et de pesticides toxiques. Leur commercialisation entraîne une augmentation, et non une diminution, des applications de produits chimiques. Les travailleurs/euses des exploitations agricoles et des plantations y sont les plus exposés. Les OGM représentent la voie brevetée vers une diminution de la durabilité sociale et environnementale de l’agriculture. L’étiquetage obligatoire des OGM et l’interdiction des cultures commerciales constituent les armes de base de la défenses sociale et biologique contre une technologie envahissante et elles devront être utilisées dans la lutte contre les règles de commerce et d’investissement qui favorisent l’agriculture GM.

Enfin, l’Union européenne est actuellement engagée dans une lutte à l’OMC contre la propagation des OGM, mais le fait à son corps défendant (OGM et OMC: la défense d’un moratoire en danger). À l’OMC, l’UE tente d’éviter les sanctions commerciales qui résulteraient d’une décision favorable aux États-Unis, au Canada et à l’Argentine dans leur plainte contre l’ancien moratoire. Chez elle, à l’opposé, l’UE plie sous les pressions de l’industrie des biotechnologies. Dans le plus récent d’une série de replis volontaires, la Commission vient d’autoriser la vente dans l’ensemble de l’Europe du maïs NK606 résistant au glyphosate de Monsanto dans l’alimentation humaine et animale. La capitulation totale aux mains de l’industrie sera mise aux voix lors d’une réunion de la Commission de réglementation qui devrait se tenir le 29 novembre et à l’occasion de laquelle les États-membres de l’UE seront invitées à abandonner le principe de précaution et à lever les interdictions nationales sur les OGM. Dans le contexte du rapport du CCE, il est opportun de se rappeler que ces interdictions ont été adoptées en Autriche, en Allemagne et au Luxembourg en réponse à des préoccupations relatives à des variétés de maïs GM de Bayer, Monsanto et Syngenta (d’autres interdictions portent sur le colza, pour lequel on dispose également de preuves abondantes de contamination par les OGM). Les organisations syndicales européennes doivent utiliser le rapport supprimé de l’ALENA pour rappeler à leurs gouvernements et aux commissaires européens pourquoi ces interdictions ont été décidées à l’époque et faire campagne pour les défendre et les élargir.

Il existe maintenant un instrument international de droits humains donnant aux états le droit et les moyens de rejeter les importations d’OGM: le Protocole de Cartagena sur la biosécurité de la Convention sur la biodiversité (le document Vers un multilatéralisme fondé sur les droits pour le système alimentaire mondial explique le Protocole sur la biosécurité et l’utilisation que peuvent en faire les organisations syndicales).Si le protocole avait été en vigueur et mis en œuvre efficacement au moment où l’ALENA a entrepris son travail de sape, des millions de petits agriculteurs mexicains n’auraient pas été forcés de joindre les rangs des chômeurs urbains et la contamination par les OGM aurait pu être stoppée à la frontière.

Les lois sur les droits humains ne donnent pas seulement aux états le droit de se défendre contre les OGM, elles exigent qu’ils le fassent. Les organisations syndicales doivent faire pression en vue d’une ratification plus large du Protocole sur la biosécurité et de la mise en œuvre de ses dispositions et commencer à faire un