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Dans l’atelier de misère du monde: Wal-Mart et la grève des supermarchés en Californie

Inséré sur le site web de l'UITA le 13-Mar-2004

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Le 25 mars 1911, un incendie détruisit les étages supérieurs de la manufacture de la Triangle Shirtwaist Company à New York, un fabricant de vêtements qui employait environ 500 travailleurs/euses, pour la plupart des immigrants/tes, en grande majorité des femmes. L’incendie s’est rapidement étendu, faisant 146 victimes parmi les travailleurs/euses. Fuyant l’incendie, ces derniers/ères se sont butés/es à des sorties et à des issues de secours verrouillées. Plusieurs des victimes se sont jetées dans le vide depuis le neuvième étage pour échapper aux flammes.

Apparemment, les propriétaires verrouillaient les sorties de secours pour prévenir les vols. Mais les travailleurs/euses savaient bien que les portes des ateliers de misère étaient verrouilles pour empêcher les organisateurs/trices syndicaux/cales d’y entrer.

Dans la foulée de l’incendie de la Triangle, les syndicats de travailleurs/euses du vêtement ont effectué une percée importante et sont parvenu à faire enchâsser des normes minimales dans les lois. Aujourd’hui, la prolifération de la production textile non-syndiquée a fortement érodé ces gains historiques, mettant en danger les emplois, la santé et la sécurité de nombreux/ses travailleurs/euses du textile.

Le 18 janvier dernier – près d’un siècle après l’incendie de la Triangle – le New York Times rapportait que Wal-Mart Stores Incorporated avait pour politique d’enfermer à clé le personnel de nuit de plusieurs de ses magasins. Un ancien employé de Wal-Mart a affirmé que c’était le cas tous les soirs dans l’établissement du Colorado où il travaillait – et que personne n’avait la clé durant le week-end.

Un porte-parole de Wal-Mart a expliqué que le verrouillage des portes visait à protéger les employés/es. Un consultant de l’industrie de la vente au détail a déclaré que «le fait d’enfermer les employés/es à clé est davantage une pratique du 19e siècle que du 20e siècle».

Bienvenue au 21e siècle.

Wal-Mart n’est pas seulement le plus grand détaillant des États-Unis, avec une présence internationale croissante. C’est aussi le premier employeur du monde, avec environ 1,3 millions d’employés à l’heure actuelle. L’approvisionnement sur le marché international a fait de Wal-Mart le premier acheteur de produits fabriqués en Chine, pays où les pratiques antisyndicales sont une politique d’État. Les travailleurs/euses provenant des campagnes sont régulièrement enfermés dans les usines et les dortoirs. Les travailleurs/euses chinois/ses paient souvent de leur vie l’absence de représentation syndicale et d’application réelle des mesures de santé et de sécurité au travail. Les incendies mortels sont fréquents.

Les ateliers des misère internationaux sont de retour. Derrière l’hyperbole à propos de «l’âge de l’information», de «l’économie de l’internet» et de «la course mondiale vers le sommet» se cache l’âpre réalité de l’exploitation brutale à laquelle sont assujettis/es des millions de travailleurs/euses à travers le monde, qui œuvrent dans des conditions qu’auraient facilement reconnues les travailleurs/euses de la Triangle Shirtwaist. En 2004, des travailleurs/euses doivent encore lutter pour que le droit à un milieu de travail sécuritaire soit reconnu comme un droit humain fondamental.

Comme le gouvernement de la Chine, Wal-Mart consacre d’énormes ressources à la lutte contre le syndicalisme. Si les travailleurs/euses de nuit constatent que les clés sont rares, il ne manque pas de conseillers en ressources humaines ni d’avocats d’entreprise pour combattre la syndicalisation. L’approche Wal-Mart, fondée sur des baisses de prix agressives, un anti-syndicalisme fanatique et des approvisionnements mondiaux impitoyables tend de plus en plus à fixer la norme de l’industrie, tant chez les détaillants que chez les manufacturiers, par la force de la chaîne d’approvisionnement. La pression se fait à la baisse, sans relâche.

En Amérique du Nord, l’UFCW (United Food and Commercial Workers' Union) s’efforce depuis longtemps de syndiquer les travailleurs/euses de Wal-Mart. La société a combattu ces efforts de toute la puissance de ses ressources et avec l’appui de l’environnement juridique défavorable aux syndicats aux États-Unis. L’UFCW travaille aujourd’hui sure deux fronts: la lutte pour la syndicalisation dans les magasins Wal-Mart, et plus généralement la lutte contre l’effet Wal-Mart.

Depuis octobre l’an dernier, soixante-dix mille membres d’UFCW sont en lock-out ou en grève contre d’importantes chaînes de supermarchés dans le sud de la Californie. Les employeurs exigent l’instauration d’une double échelle de salaire, comportant des réductions considérables de l’assurance soins de santé pour les employés/es actuels/lles et une réduction draconienne de l’ensemble des avantages sociaux pour les nouveaux/velles employés/es. Si les employeurs ont gain de cause, ce sera la fin des avantages sociaux payés par l’employeur pour les travailleurs/euses syndiqués de l’industrie de la vente au détail – dans un pays qui ne dispose d’aucun système national de soins de santé. Les répercussions pour tous les travailleurs/euses seront évidemment plus larges.

Les syndicats, bien qu’ouverts à la négociation, refusent toute discussion sur les soins de santé. Les travailleurs/euses ont reçu un appui considérable de la part d’Américains/nes qui savent ce que c’est de vivre sans assurance médicale. Le conflit est largement perçu comme une lutte juste pour l’avenir de tous/tes les travailleurs/euses et le principe des soins de santé abordables.

Les employeurs affirment qu’ils subissent la pression de Wal-Mart, entreprise non-syndiquée dont les employés/es (appelés «associés/es» par la société) reçoivent un salaire insuffisant pour leur permettre de participer au régime «volontaire» de soins de santé offert par l’entreprise. Bien que les magasins souffrent du conflit, les employeurs s’acharnent. Le conflit s’est transformé en guerre d’usure.

Le fait est que Safeway et les autres établissements parties au conflit restent largement rentables – et ont encore augmenté les primes déjà substantielles versées à leurs dirigeants au cours des dernières années. Mais l’expansion incessante de Wal-Mart et la «wal-martisation» des chaînes d’approvisionnement n’en posent pas moins une menace directe aux droits fondamentaux et aux normes du travail dans le monde entier. Cette situation doit être contrée, et il n’y a qu’une façon de le faire: par la syndicalisation de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, du champ à l’assiette et du manufacturier au détaillant.

L’UFCW est au premier rang de la lutte contre le barbarisme corporatif. L’organisation mérite le soutien des travailleurs/euses du monde entier.

La grève/lock-out de 140 jours de 70 000 membres de UFCW dans le sud de la Californie a pris fin le 26 février dernier, alors que les membres ont voté à une très forte majorité (86%) en faveur d’une nouvelle convention collective d’une durée de trois ans avec les sociétés propriétaires des supermarchés.