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Le libre échange des Amériques – Une nouvelle offensive des grandes sociétés

Inséré sur le site web de l'UITA le 02-Jul-2001

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Le libre échange des Amériques – Une nouvelle offensive des grandes sociétés


En 1998, les tentatives de faire adopter un Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) au sein de l’OCDE se sont soldées par un échec lorsque le texte jusque là secret de l’accord a été diffusé sur Internet. Confrontés à la réaction négative du public face à cette charte mondiale des droits des investisseurs, plusieurs gouvernements importants ont retiré leur appui au projet. L’appétit des sociétés est toutefois sans bornes, et l’AMI a refait surface dans les dispositions sur l’investissement proposées de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).


Avant même que les gaz lacrymogènes ne se soient dissipés à Québec, où les participants/tes au «Sommet des Amériques» ont convenu de la création d’une «zone de libre-échange» dans l’hémisphère d’ici 2005, le rapport du «Groupe de travail sur l’investissement» - un groupe de travail dominé par les grandes sociétés et dont les rencontres ont lieu dans le secret le plus strict – a fait l’objet d’une fuite par une ONG. Les lignes directrices proposées reprennent très précisément les garanties sur l’investissement énoncées dans le fameux Chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), source d’inspiration de l’AMI.


Le Chapitre 11 de l’ALENA – la mère de toutes les chartes des droits des investisseurs – exprime sous forme condensée les efforts du capital international pour s’affranchir de toutes restrictions à l’égard des investissements transfrontaliers. Le Chapitre 11 énonce une série de «droits» et de protections des investisseurs, culminant avec le droit pour ces derniers de contester directement les lois, la réglementation et les pratiques d’un pays signataire si celles-ci empiètent sur sa capacité d’extraire des bénéfices maximaux. En vertu du Chapitre 11, il est illégal d’imposer aux investisseurs des exigences de contenu local, de transfert de technologie ou de rapatriement des profits. Les entreprises peuvent intenter des poursuites contre les États afin d’exiger une compensation pour les pertes de profits potentiels futurs (la société étant dans un tel cas réputée victime d’une mesure «équivalant à l’expropriation»). Les parties sont entendues à huis clos par un tribunal d’arbitrage formé d’«experts». Il va sans dire que le traité ne prévoit aucunement que les États puissent jouir en retour d’un droit de poursuite contre les sociétés pour les dommages sociaux, économiques ou environnementaux actuels ou futurs.


Les conséquences du Chapitre 11 ont été révélées au grand jour l’an dernier lorsqu’un tribunal de l’ALENA a ordonné au gouvernement du Mexique de verser une compensation de USD 16,7 millions à la firme d’élimination des déchets Metalclad des États-Unis. La société avait plaidé que le refus du gouvernement de l’État de San Luis Potosi d’autoriser la réouverture d’un site d’enfouissement qu’elle y exploitait constituait une mesure «équivalant à l’expropriation». Le site avait été fermé après qu’un groupe de citoyens/nes eut démontré qu’il posait un risque pour l’approvisionnement en eau potable.


Dans d’autres poursuites semblables, les gouvernements ont capitulé avant même que la poursuite ne soit entendue par le tribunal d’arbitrage. La société US Ethyl Corporation a ainsi obligé le gouvernement du Canada à revenir sur sa décision de bannir l’additif pour l’essence neurotoxique MMT, fabriqué par la société. Dans la plus importante poursuite engagée jusqu’ici en vertu du Chapitre 11, la société canadienne Methanex poursuit le gouvernement des États-Unis pour la somme de USD 970 millions à la suite de l’adoption par le gouvernement de la Californie d’un règlement interdisant l’usage d’un additif pour l’essence toxique fabriqué par Methanex.


En vertu des dispositions de l’ALENA sur l’investissement, les «droits» des investisseurs s’étendent également au (ci-devant) secteur public. United Parcel Service a déposé une poursuite de USD 160 millions contre le gouvernement du Canada, alléguant que celui-ci favorisait … son propre service postal public. Dans le cadre de la ZLEA, il n’est pas inconcevable de voir un jour une société œuvrant dans le secteur des «services éducatifs» poursuivre les gouvernements qui «favorisent» l’enseignement public.


La ZLEA, qui englobe tous les pays des Caraïbes, de l’Amérique centrale et du Sud, à l’exception de Cuba, étendrait l’influence destructrice de l’ALENA à l’ensemble de l’hémisphère, avec une population de 800 millions. L’accord obligerait les pays signataires à se conformer à un régime d’investissement d’une ampleur et d’une portée sans précédents. Les propositions sur les services abolissent toutes les contraintes relatives à l’ouverture des marchés publics aux entreprises. Les règles proposées sur la propriété intellectuelle renforceraient le monopole des entreprises détentrices de brevets et encourageraient le dépôt de brevets sur les formes de vie.
La ZLEA aura pour cortège une plus grande pauvreté, un chômage plus élevé, une plus grande dégradation de l’environnement, plus d’OGM et l’accélération de la destruction des services publics. Elle renforcera le pouvoir des entreprises aux dépens de la démocratie. Enfin, elle réduira de manière radicale notre marge de manœuvre dans la défense de notre niveau de vie, de nos conditions de travail, de notre environnement et de nos droits à titre de travailleurs/euses et de citoyens/nes, en retirant aux gouvernements la capacité d’imposer des mesures de réglementation dans l’intérêt public.


Aucun «accord parallèle», aucune «disposition sociale» ne pourra contrer efficacement les répercussions d’une telle charte radicale des droits des sociétés. La ZLEA constitue une menace directe au mouvement syndical international, qui doit se mobiliser à l’échelle mondiale pour en assurer la défaite.