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Nestlé: des profits mondiaux, mais pas de droits mondiaux

Inséré sur le site web de l'UITA le 16-Jun-2003

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Le 28 avril, la direction de l’usine Nestlé de café soluble à Ilopango, au Salvador, annonçait la fermeture définitive de l’usine. Une note informait le personnel que leur indemnité de licenciement leur serait versée part l’intermédiaire du ministère du Travail. La production de l’usine était transférée dans d’autres installations à l’extérieur du pays, afin de répondre aux impératifs de la restructuration mondiale.

En toute justice, il faut reconnaître que la décision de Nestlé n’était pas une surprise. Trois semaines plus tôt – le 8 avril – les travailleurs/euses avaient été informés/es que la décision avait été prise de fermer l’usine. Ce préavis généreux contraste fortement avec la situation vécue ailleurs, par exemple, la fermeture de l’usine de Três Corações au Brésil, où les travailleurs/euses ont été avisés/es le vendredi que l’usine serait fermée le lundi suivant. En outre, Nestlé a généreusement offert une indemnité de deux mois de salaire, en plus des indemnités requises par les lois du Salvador. Cela reste toutefois une faible consolation pour les travailleurs/euses chassés/es de leur emploi, et dont le syndicat SETNESSA, affilié à l’UITA a fait justement remarquer que la majorité d’entre eux et elles sont à la fois trop jeunes pour prendre leur retraite et trop âgés/es pour trouver un nouvel emploi. Le syndicat exige donc que les employés/es de Nestlé continuent de recevoir leur salaire et de bénéficier de leurs régimes sociaux jusqu’à l’expiration de la convention collective en cours, plus tard cette année. La demande du syndicat mérite certainement d’être discutée et ne causerait pas de problèmes financiers importants à la société, compte tenu du nombre de travailleurs/euses touchés/es et des salaires versés au Salvador. La négociation demeure toutefois un exercice auquel la société préfère se soustraire à moins d’y être obligée. La direction de Nestlé a donc refusé de rencontrer le syndicat et lui a ordonné de quitter l’usine. Les grilles ont ensuite été fermées.

Bien qu’elle se réserve le droit de prendre des décisions cruciales affectant la vie de ses employés/es à travers le monde, la direction générale de Nestlé à Vevey, en Suisse, refuse de prendre la responsabilité mondiale des relations de travail. La recherche du profit prime sur tout. Là où les lois et les pratiques nationales permettent aux entreprises de fermer des installations du jour au lendemain, Nestlé le fait. Lorsque la faiblesse des lois permet les pratiques antisyndicales, Nestlé ne se prive pas d’y recourir. Puisque la législation des pays de l’Union européenne stipule que la société doit « informer et consulter » ses employés/es par l’entremise d’un comité d’entreprise européen, ses travailleurs/euses seront informés/es et même consultés/es sur la disparition de leurs emplois (des milliers de postes ont été supprimés en Europe, et d’autres le seront encore). Mais la consultation sans négociation reste un exercice vide de sens.

Nestlé a raison lorsqu’elle affirme que ses pratiques de relations de travail sont conformes aux lois nationales. Il n’en reste pas moins que les lois nationales sont trop souvent inadéquates à l’ère des fusions, acquisitions, productions et distributions mondiales. Même enchâssée dans le droit, l’arrogance patronale reste l’arrogance patronale.

Société mondiale, Nestlé est libre d’investir et de désinvestir, de rationaliser et de relocaliser sa production afin de répondre à la « concurrence » et aux exigences des actionnaires – et de refuser de négocier avec les syndicats à quelque échelon que ce soit si elle n’y est pas obligée. Face aux conséquences de la restructuration mondiale, les organisations syndicales sont ainsi condamnées à une série de luttes locales avec les directions locales. La lutte se déroule donc dans des conditions hautement inégales.

Pour les travailleurs/euses du monde, le jeu des comparaisons mondiales entraîne une dévastation mondiale, laissant dans son sillage des vies brisées et des communautés détruites. Pour résister efficacement et aller de l’avant, nous devons obtenir la reconnaissance mondiale de nos droits collectifs et de notre représentation. Nous devons « comparer mondialement » nos situations, afin d’établir un plancher à partir duquel nous pourrons construire et consolider nos avancées. Les syndicats ont besoin d’une table de négociation mondiale, basées sur des droits mondiaux et des normes mondiales. Dans le cas de Nestlé, cela passe par l’établissement d’un cadre de reconnaissance et de négociation avec l’UITA qui représente la vaste majorité des travailleurs/euses syndiqués/es de la société.