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Harc�lement sexuel en Pologne : PepsiCo refuse toujours d�accepter la responsabilit�

Ins�r� sur le site web de l'UITA le 25-Jul-2005

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From the Swedish Foowdorkers' Union

Malin Klingzell-Brulin est l��ditrice de M�l & Medel, le journal du Syndicat su�dois des travailleurs/euses de l�alimentation (Livs). Les 22 et 23 juin, elle s�est rendue en Pologne dans le cadre d�une visite organis�e par l�UITA et Solidarnosc afin d'enqu�ter sur la situation des huit femmes cong�di�es de l�usine Frito-Lay de PepsiCo pr�s de Varsovie � la suite de harc�lement sexuel de la part d�un superviseur. Son rapport sur la visite a �t� publi� dans le num�ro 7-8 (juillet-ao�t 2005) de M�l & Medel.


Encore et encore, leur coll�gue disparaissait dans le bureau du superviseur. Les autres femmes s�en inqui�taient. Lorsqu�elle a soudainement �t� licenci�e, la semaine avant No�l, elles ont commenc� � parler entres elles de ce qui se passait depuis un certain temps, mais que personne n�osait mentionner � le harc�lement sexuel.

le harc�lement sexuel est un sujet difficile � aborder. Mais � ce moment, et pour la premi�re fois, elles avaient commenc� � en parler en groupe, et il est rapidement apparu que toutes en avaient eu connaissance, soit par exp�rience personnelle ou en �tant t�moin de harc�lement � l�endroit d�autre femmes.

C�est un moment difficile. Mais c�est aussi un immense soulagement de faire la lumi�re sur la question. Le fait de r�aliser que l�on n�est pas seule en cause permet d�all�ger le fardeau.

Plusieurs se souviennent de la coll�gue tomb�e enceinte et cong�di�e. C��tait il y a trois ans. La rumeur voulait qu�un superviseur ait �t� le p�re de l�enfant. Lorsque la rumeur a commenc� a circul�, son mari s�est suicid�, il s�est pendu. Le superviseur a �t� invit� � donner sa d�mission, et ce fut la fin de l�affaire. Personne ne sait vraiment si l�histoire est v�ridique, parce qu�aucune enqu�te n�a �t� faite.

Ces femmes sont employ�es � l�usine d'en-cas Frito-Lay de PepsiCo, pr�s de Varsovie, et la conversation a lieu durant une pause. Elles ne savent pas que quelqu�un les �coute et s�empresse de tout r�p�ter � la direction. Peut-�tre cette personne voit-elle l� une possibilit� d�avancement. Peut-�tre en veut-elle aux autres.

Le jour qu�elles n�oublieront jamais

No�l arrive � grands pas. Il y a beaucoup de choses � faire, les repas � cuisiner, un arbre � d�corer, des cadeaux � acheter. Apr�s No�l, elles retourneront � leur poste, dans la section de l�emballage de l�usine. Mais le 29 d�cembre 2004 est un jour qu�elles n�oublieront jamais.

Elzbieta prend sa pause. Elle vient tout juste de s�allumer une cigarette lorsque son superviseur s�approche d�elle et lui dit d��teindre sa cigarette et de le suivre. Elle obtemp�re en silence. Il l�emm�ne dans un bureau ou l�attend le directeur du personnel. Il lui explique qu�on ne veut plus d�elle � l�usine. Les motifs ne sont pas clairs.

Totalement secou�e, elle ne comprend pas. Sur la table devant elle, deux documents. Elle peut choisir celui qu�elle signera. Le premier dit qu�elle d�missionne de son propre chef, et qu�on lui versera une certaine indemnit�. Le deuxi�me est un avis de cong�diement pour n�gligence au travail.

Elle se sent faible. Que disent-ils? Cong�di�e? Pourquoi? Elle n�arrive plus � r�fl�chir pos�ment. Son mari est au ch�mage. Elle a quatre enfants � nourrir. Comment vont-ils survivre? Elle signe le document qui lui donne droit � une indemnit�, trois mois de salaire. Elle sent qu�elle n�a pas le choix.

Apr�s Elzbieta, les autres femmes qui ont discut� de harc�lement sexuel sont appel�es une � une dans le m�me bureau. Le mot s�est pass�. Elles savent maintenant ce qui les attend.

Grazyna est la troisi�me appel�e par le superviseur. La situation est extr�mement d�plaisante, puisque c�est le superviseur qui l�a harcel�e.

R�compens�e pour son bon travail

La derni�re femme appel�e dans le bureau est Alexandra. Ses coll�gues n�en croient pas leurs yeux. Elles venaient tout juste de la consoler en lui disant qu�elle n�avait rien � craindre. � peine quelques semaines plus t�t, elle a re�u un prix pour la qualit� de son travail.

Alexandra choisit la d�mission, comme six des huit femmes. Elles n�ont pas les moyens de refuser l�indemnit�. Une par une, elles sortent du bureau des ressources humaines. Chacune re�oit un sac de plastique noir dans lequel elles doivent placer leurs effets personnels. On leur dit qu�elles doivent quitter l�usine imm�diatement.

Jamais dans l�histoire de l�usine n�avait-on vu autant de personnes licenci�es le m�me jour. Ce n�est probablement pas une co�ncidence si la d�cision a justement �t� annonc�e alors que le d�l�gu� syndical �tait en cong� et ne pouvait les aider.

Les femmes cong�di�es se sont retrouv�es � la porte de l�usine. Elles sont convaincues que leur discussion sur le harc�lement sexuel est � l�origine de leur cong�diement. Le jour suivant, elles rencontrent le pr�sident de leur syndicat au bureau local de Solidarnosc. Celui-ci leur conseille de faire une d�claration �crite. Sans documents �crits, il est impossible de monter un dossier.

Le 3 janvier, elles d�posent un rapport de harc�lement sexuel aupr�s du tribunal du travail. Quelques jours plus tard, des repr�sentants/tes de Solidarnosc ont une rencontre avec l�employeur des femmes. Ils esp�rent que des n�gociations permettront de persuader la soci�t� de faire face � ses responsabilit�s, d'enqu�ter sur les plaintes et de r�int�grer les femmes. Mais la direction refuse s�chement.

Les m�dias s�en m�lent

Les femmes maintiennent leurs all�gations. Trois d�entres elles disent avoir �t� victimes de harc�lement sexuel. Cinq autres les appuient. La presse �crite et la t�l�vision polonaises s�emparent de l�affaire et lui donnent un grand retentissement.

Deux poursuites sont inscrites, l�une devant le tribunal du travail, l�autre devant les instances p�nales. Elles m�nent � l�arrestation du superviseur, qui continue cependant de recevoir son salaire de la soci�t�, qui lui fournit �galement les services d�un avocat on�reux. Les femmes ne re�oivent ni r�int�gration ni compensation pour le salaire perdu.

� la fin janvier, l�UITA demande � ses affili�es de protester contre les �v�nements et demande la r�int�gration imm�diate de toutes les travailleuses cong�di�es ou forc�es de d�missionner en raison de leurs tentatives de faire cesser le harc�lement sexuel.

L�UITA maintient que PepsiCo, en ne prenant pas les mesures n�cessaires pour prot�ger ses employ�es contre le harc�lement sexuel, viole les lois polonaises et europ�ennes, ainsi que les droits de ses employ�es.

En violation de son propre code

L�UITA souligne �galement que PepsiCo, dans son Code de conduite mondial, se targue d�offrir "un milieu de travail libre de toute forme de discrimination, y compris le harc�lement sexuel et les autres formes de harc�lement.

M�l & Medel avait d�j� publi� un article sur le cas de PepsiCo en mars (num�ro 3, 2005). Au lieu d'enqu�ter sur les all�gations, la direction pr�tend que les d�clarations faites par les femmes sont une tentative de chantage � l�encontre de la soci�t�. Solidarnosc croit que des d�tectives ont �t� embauch�s afin de surveiller les femmes et leurs activit�s.

Solidarnosc a lanc� une p�tition en faveur des femmes, p�tition qui a jusqu�ici recueilli plus de 180 000 signatures en Pologne. � la mi-mai, une marche a eu lieu � Varsovie. Mais la soci�t� refuse d��couter; le temps passe, et la situation des femmes se d�grade. Des rumeurs commencent � circuler disant que la production pourrait �tre relocalis�e en Ukraine, en raison de l'action de ces femmes. Le ch�mage est tr�s �lev� dans la r�gion, � pr�s de 20 pour cent. Les emplois autres que pr�caires sont rares et difficiles � trouver.

Lancement d�une campagne dans les pays nordiques

Au d�but de juin, l�Union nordique des associations de travailleurs/euses de l�alimentation, de l�agriculture, de l�h�tellerie-restauration, du catering, du tabac et des secteurs connexes a d�cid� de peser de tout son poids pour faire conna�tre le d�faut complet de PepsiCo de prot�ger les droits humains de ses employ�s/es. L�Union nordique a �galement d�cid� d�envoyer une d�l�gation form�e de repr�sentants/tes et de journalistes syndicaux/cales en Pologne.

Les membres de la d�l�gation, dont nous faisions partie, ont pu rencontrer sept des huit femmes le 22 juin au bureau de Solidarnosc � Varsovie. Des repr�sentant/tes des organisations syndicales locales, r�gionales et nationales participaient �galement � cette rencontre. Les histoires que nous avons entendues d�passent l�entendement, le comportement de la soci�t� est sans piti�, compte tenu de la situation sociale de ces femmes. Comment la soci�t� peut-elle laisser entendre que ces femmes agissent dans un but de gain personnel? Il semble tout � fait improbable que leur histoire repr�sente autre chose que la v�rit�. La question sera d�battue devant les tribunaux, qui nous donneront une r�ponse �crite.

Le conseiller juridique des femmes, d�sign� par la Fondation pour les droits humains de Helsinki, est �galement pr�sent. Il s�inqui�te de l�effet que pourrait avoir sur le processus juridique la publication dans notre journal des d�tails des all�gations de harc�lement sexuel. Nous avons donc choisi de ne pas publier ces renseignements.

Depuis leur cong�diement, les huit femmes vivent en recluses. Peu de gens savent ce qu�elles ont travers�. Nous nous en rendons compte le lendemain, � l�occasion d�une visite faite � trois d�entre elles dans la petite ville de Zerard�w, � environ 15 kilom�tres de l�usine de PepsiCo.

Tout le monde se conna�t

Il est difficile de parler de harc�lement sexuel, surtout dans une petite ville o� tout le monde se conna�t. � l�usine, la plupart de leurs anciens/nnes coll�gues ont pris position contre elles. Qui plus est, l��pouse du superviseur a lanc� sa propre campagne pour r�tablir la r�putation de son mari. La presse � scandale a fait ses choux gras de la situation.

Un escalier �troit m�ne � l�appartement qu�habite Elzbieta dans un immeuble � loyer mod�r�. Elle a quatre enfants; elle et son mari sont tous deux sans emploi. Nous arrivons � nous tasser dans une petite pi�ce afin d�entendre son histoire. Elle a l�air fatigu�e et troubl�e. Elle traverse une p�riode difficile.

"Nous avons � peine assez d�argent pour acheter de la nourriture. Nous n�avons pas pu payer le loyer depuis plusieurs mois", raconte-t-elle.

Au moment o� elle a �t� forc�e de d�missionner le 29 d�cembre, elle travaillait � l�usine depuis sept ans. Encore une fois, elle raconte ce qui s�est pass�.

"Tout s�est pass� si vite. Je ne pouvais penser qu�aux enfants, et � trouver de l�argent pour survivre".

Tout semblait si irr�el, dit-elle. Ce n�est que plus tard, apr�s avoir eu le temps de r�fl�chir, qu�elle a fait le lien avec la conversation qu�elles avaient eu � propos du harc�lement sexuel.

Alexandra habite un petit appartement situ� quelques �tages plus haut dans un autre immeuble � loyer mod�r�. Elle est m�re c�libataire d�un gar�on de 12 ans. Elle nous dit fi�rement avoir travaill� neuf ans � l�usine, ne prenant que onze jours de cong�s-maladie, non pas parce qu�elle �tait malade, mais parce que son fils n��tait pas bien.

Alexandra a tent� de contester la d�cision de la direction durant la rencontre.

"Quelques semaines plus t�t, j�avais �t� r�compens�e en raison de l�excellence de mon travail. Il me semblait totalement d�raisonnable que je puisse �tre cong�di�e pour manque de productivit� si peu de temps apr�s", dit-elle.

"J�ai essay� de discuter avec le superviseur et le directeur des ressources humaines. Je leur ai demand� s�ils faisaient cela parce que je savais trop de choses sur ce qui se passait � l�usine, mais ils ont simplement ri."

La derni�re femme que nous sommes all�s rencontrer se nomme Grazyna. Elle habite avec son mari et ses deux enfants dans une maison � la campagne, qu�elle a re�ue en h�ritage. De l�ext�rieur, il s�agit d�une situation idyllique en comparaison de celle des autres femmes. Financi�rement, sa situation est aussi un peu meilleure que celle des autres. Mais sa d�tresse psychologique n�en est que plus grande. Alors que les autres femmes que nous avons rencontr�es ont �t� t�moins de harc�lement, Grazyna en a �t� victime. Ce n�est pas facile pour elle d�en parler, mais elle fait un effort afin de nous permettre de mieux comprendre la situation.

Elle est convaincue d�avoir �t� cong�di�e parce qu�elle et ses coll�gues ont commenc� � parler de ce qui se passait � l�usine, et parce qu�elle a refus� les demandes de faveurs sexuelles faites par le superviseur.

Quel code de conduite?

Le Code de conduite de la soci�t� lui est inconnu. Elle n�en n�a jamais entendu parler en neuf ans de travail � l�usine. Aucune des autres femmes ne le connaissait non plus. La soci�t� all�gue que tous les employ�s/es en ont �t� inform�s/es, mais ce n�est apparemment pas le cas.

"Quel est votre r�ve aujourd�hui?"

"Trouver un emploi."

Elle ne sait toutefois pas s�il lui sera possible de retourner � l�usine, m�me si elles ont gain de cause contre la soci�t�. Il ne sera pas facile de travailler aux c�t�s de ceux et celles qui ont pris fait et cause contre elle. Et elle est plut�t d�courag�e lorsqu�elle pense au proc�s, qui pourrait durer plusieurs ann�es.

"Il semble que la soci�t� m�ne une guerre des nerfs, et il est difficile de tenir jusqu�au bout lorsque n�avez pas de travail et pas d�argent."

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Vous pouvez faire parvenir un message � PepsiCo afin de condamner le refus de la soci�t� de prendre ses responsabilit�s et appeler la soci�t� � entreprendre rapidement des n�gociations avec le syndicat afin d�en arriver � un r�glement acceptable pour les victimes en cliquant ici.