UITAUnit les travailleurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'hôtellerie du monde entier Négociations ACGS (GATS)
Inséré sur le site web de l'UITA le 14-Jan-2003 Envoyer cet article à une connaissance.
Prise de position sur les accords du GATS pour le secteur de l’hôtellerie-restauration
Préambule
L’Accord général sur le commerce et les services (AGCS), plus connu sous le nom de GATS (General Agreement on Trades In Services) est un ensemble de règles multilatérales qui régissent le commerce international des services. Cet accord a été négocié au cours du Cycle de l’Uruguay (Uruguay Round) qui a abouti aux accords de Marrakech, fondateurs de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Le GATS est entré en vigueur le 1er janvier 1995 et des négociations doivent avoir lieu au plus tard en 2001 pour le démantèlement graduel des mesures restrictives. Tous les États membres de l’OMC sont signataires du GATS.
Le GATS repose sur quelques principes de base :
- Traitement de la nation la plus favorisée pour tous les services, avec des possibilités d’exemptions;
- Egalité de traitement entre étrangers et nationaux, avec exemptions autorisées;
- Transparence des réglementations nationales;
- Engagement des pays sur l’ouverture des marchés et le degré d’accès à ceux-ci.
Le GATS couvre quatre modes de fourniture :
- Fourniture transfrontalière (fourniture d’un service d’un pays à un autre);
- Consommation à l’étranger (utilisation d’un service par des consommateurs/trices ou entreprises dans un autre pays);
- Présence commerciale (établissement de filiales en vue de fourniture de services dans un autre pays);
- Présence de personnes physiques (déplacement de particuliers quittant leur pays pour fournir des services dans un autre pays).
L’accord du GATS a été signé le 15 avril 1994 à Marrakech par 127 pays. Seuls huit pays signataires (Mozambique, Brunei, Bahrain, Madagascar, La Barbade, Belize, Chypre et les Maldives) n’ont pas fourni de listes d’engagements précisant leurs règles commerciales nationales pour le secteur des hôtels et restaurants.
Position de l’UITA
Cette prise de position considère le secteur du tourisme essentiellement sous le point de vue des travailleurs/euses du secteur de l’hôtellerie-restauration.
- Depuis 1994, aucune évaluation des effets de la libéralisation des échanges dans le tourisme n’a été effectuée, il parait hâtif et potentiellement dangereux de franchir un nouveau pas dans cette direction sans avoir mesuré l’impact des engagements pris à Marrakech sur les économies et le secteur touristique, notamment dans les pays en développement.
- Le développement du tourisme peut avoir des effets très concrets sur les populations locales, tant positifs que négatifs : création d’emplois, dynamisation de la production industrielle et/ou agricole locale d’une part, déplacement forcé de population et travail forcé d’autre part. Lors des négociations du GATS, l’opinion de ces populations doit pouvoir être exposée et leurs intérêts défendus par leurs représentantes naturelles : organisations syndicales et organisations non gouvernementales doivent être associées aux négociations du GATS. Le processus de négociation au sein du GATS doit être transparent et les opinions publiques informées en temps réel de l’évolution des négociations.
- Trop de tourisme tue le tourisme. La libéralisation du commerce dans le cadre du GATS doit se concevoir dans la perspective d’un tourisme durable, garantie de la pérennité de l’activité touristique.
- Le développement accéléré des nouvelles techniques de l’information (systèmes de réservation centralisées, internet) crée un déséquilibre entre pays développés et pays en développement. Ces systèmes qui sont contrôlés par des sociétés transnationales favorisent le commerce en direction des sociétés des pays développés et peuvent être de nature à affecter la bonne marche de sociétés du tourisme (compagnies aériennes, hôtels et restaurants locaux) des pays en voie de développement. L’accès des sociétés de l’information aux marchés nationaux devrait être soumis à des obligations de transfert de technologie et de formation du personnel local.
- La libéralisation du commerce touristique s’est traduite par la privatisation d’établissements hôteliers, notamment dans les pays en développement. Cette privatisation s’accompagne de l’arrivée de sociétés transnationales hôtelières qui imposent leurs modes de gestion et leur organisation du travail.
Les gouvernements devraient se donner les moyens de contrôler et limiter en tant que de besoin l’activité des sociétés transnationales et les transferts de capitaux. Ils devraient veiller à ce que la privatisation des établissements hôteliers ne soit pas prétexte à une diminution du nombre d’emplois et à une précarisation accrue, notamment par l’accroissement incontrôlé du recours à des entreprises sous-traitantes.
Les incitations fiscales ou autres pour encourager l’installation de sociétés dans un pays donné devraient être conditionnées au respect de normes minimales dans le domaine social et écologique.
- Les activités hôtelières et de restauration ont tendance à se développer par le biais de contrats de franchise ou de gestion, qui permettent à des sociétés transnationales de bâtir des chaînes de grande dimension sans avoir une responsabilité directe dans la gestion des établissements. Il serait souhaitable que les contraintes de gestion et de commercialisation imposées par la franchise soient accompagnées d’obligations sociales uniformes pour l’ensemble d’une chaîne hôtelière ou de restauration, quel que soit le mode de gestion des établissements.
- Les États doivent garder la maîtrise de l’espace et se doter de plans de développement équilibrés entre activités touristiques et autres activités économiques. La transformation d’espaces agricoles en espaces destinés aux loisirs (golf, par exemple) peuvent menacer à terme le développement équilibré d’une région donnée. L’élaboration de plans pour un développement touristique équilibré et durable doit se faire après consultation de l’ensemble des intervenants dans l’activité touristique : pouvoirs publics, sociétés privées, organisations syndicales et représentants/tes des populations locales. Le droit des populations indigènes et le respect de leur culture doivent être au centre des préoccupations lors de l’élaboration d’un plan de développement du tourisme.
- Le droit de propriété et d’exploitation commerciale des sites doit pouvoir être limité et contrôlé. Les États doivent garantir l’accès de tous/toutes au patrimoine naturel commun. A l’inverse, ils doivent pouvoir limiter ou interdire l’accès à des sites touristiques lorsque leur exploitation commerciale présente des risques d’atteinte grave à l’environnement naturel ou culturel, ou à leur propre conservation.
- Les États doivent avoir la possibilité de définir les conditions d’implantations de sociétés hôtelières et de restauration dans leur pays. Ils doivent en particulier pouvoir identifier l’origine des capitaux investis, l’identité des propriétaires de ces sociétés ainsi que les capacités professionnelles de leurs gestionnaires.
- Le droit de libre circulation des travailleurs/euses ne doit pas être un moyen pour un employeur d’échapper aux obligations sociales en vigueur dans le pays considéré. Les conditions d’emploi et de travail des salarié/es étrangers/gères ne doivent en aucun cas être inférieures à celles des salarié/es locaux/ales, même lorsque la société qui les emploie est basée hors du pays. Le droit de libre circulation des personnes doit être conditionné à la garantie de normes sociales minimales, et en particulier au respect et à l’application des conventions de l’OIT concernant le droit syndical, la négociation collective, le travail forcé, l’élimination des pires formes de travail des enfants. La convention 172 et la recommandation 179 de l’Organisation internationale du Travail concernant les conditions de travail dans les hôtels, restaurants et établissements similaires doivent être le socle minimum de droits reconnus aux salariés/es du secteur dans tous les pays.
- Le droit de libre circulation des personnes doit pouvoir être limité lorsqu’il est de nature à permettre ou à encourager le tourisme sexuel, en particulier l’exploitation sexuelle commerciale des enfants. Les gouvernements des pays d’accueil comme des pays d’origine des touristes devraient être incités à adopter des lois punissant l’exploitation sexuelle commerciale des enfants par les touristes et permettant les poursuites pénales y compris dans les pays d’origine de ceux-ci.
- La libéralisation de l’activité touristique doit se faire dans le respect de la déclaration de Berlin sur la diversité biologique et le tourisme durable (1997) qui indique dans son article 8 que le tourisme devrait se développer de façon à bénéficier aux communautés locales, à renforcer l’économie locale, à créer des emplois pour la population locale, et à utiliser, chaque fois que c’est écologiquement possible, des matériaux locaux, les produits de l’agriculture locale et le savoir-faire local. Des politiques devraient être définies et des législations adoptées pour assurer que l’essentiel des fruits du développement touristique va aux communautés locales.
- Le développement du tourisme doit se faire dans le respect des accords multilatéraux sur l’environnement, dont la convention cadre sur les changements climatiques (FCCC, 1992), la convention sur le commerce international des espèces en danger (CITES, 1992), la convention sur la prévention de la pollution marine par rejets de déchets ou autres (London Convention, 1972).
- Les États doivent pouvoir s’assurer que la libéralisation du tourisme n’est pas prétexte à une détérioration de la sécurité des personnes, et doivent pouvoir le cas échéant interdire toute activité de transport de personnes ou de loisirs qui ne respecterait pas des normes de sécurité acceptables.