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Brésil: Nestlé refuse d'admettre la maladie professionnelle

Inséré sur le site web de l'UITA le 18-Dec-2001

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En 1997, Nestlé Royaume-Uni reconnaissait officiellement que ses travailleurs/euses de la production qui devaient répéter continuellement le même mouvement souffraient de troubles musculo-squelettiques (TMS). La direction annonçait la mise au point d'un programme visant à réduire les possibilités d'apparition de cette maladie professionnelle répandue.

La même année, la direction de Nestlé Brésil niait l'existence d'une telle maladie professionnelle (alors qu'elle touchait en réalité le plus grand nombre) et maintenait sa pratique abusive de licenciement de travailleurs/euses (notamment les jeunes femmes) touchés/es par cette maladie plutôt que de s'attaquer aux racines du mal.

C'est à cette époque que le bureau régional de l'UITA pour l'Amérique latine a produit un court film décrivant la situation d'une de ces jeunes femmes brésiliennes souffrant de cette maladie qui avait été licenciée par Nestlé.

Apparemment, Nestlé continue quatre années plus tard à accorder une valeur moindre à la santé et à la sécurité de ses salariés/es au Brésil qu'il ne le fait en Europe occidentale. Ce qui suit est un rapport publié dans le bulletin du secrétariat régional de l'UITA pour l'Amérique latine SIREL par un médecin qui fait office de consultant sur les questions de santé et de sécurité auprès du secrétariat régional.

Nestlé: Tu fais partie de notre vie

C’est avec ce slogan que la puissante transnationale suisse de l’alimentation s’efforce de donner une image humaine et moderne de ses activités. J’avoue qu’en tant que médecin, j’ai toujours eu en haute estime cette entreprise, que la majorité de la population identifie à une alimentation saine.

Pourtant, depuis quelque temps, je me suis aperçu que certaines ONG se sont mises à se demander à qui profite la gigantesque campagne publicitaire menée par Nestlé dans différents médias, qui a pour effet de faire grimper la consommation de produits pour enfants en bas âge, au détriment d’autres aliments, comme le lait maternel, pour n’en citer qu’un. En ce qui me concerne, les conditions dans lesquelles travaillent les travailleurs et travailleuses et les conséquences qui en découlent, telles que des lésions dues aux mouvements répétitifs (LMR), m’obligent à remettre en question la conduite de Nestlé.

En avril 2001, j’ai reçu Maria Alice, une travailleuse d’un centre de production de Nestlé sis au centre du Brésil, en vue d’une consultation. Elle se plaignait de douleurs toujours plus vives dans la région des épaules, des coudes et des poignets, qui avaient fini par avoir une incidence sur son rendement au travail. Maria Alice avait apporté les résultats de deux examens : une électroneuromyographie et un sondage aux ultrasons. Le premier était sans équivoque : ses deux poignets présentaient un syndrome du tunnel carpien. Quant au second, il révélait une tendinite des extenseurs du poignet.

Elle a affirmé en avoir parlé au médecin de l’entreprise qui, jusqu’alors, n’avait pas fait grand cas de ses plaintes. Il lui avait dit, au contraire, que tout était normal et lui avait recommandé de regagner son poste. Après avoir consulté d’autres médecins, Maria Alice a assisté à une réunion organisée par le syndicat de son entreprise à laquelle j’ai participé ainsi qu’un représentant de l’UITA et elle s’est décidée à nous demander de nous pencher sur son cas.

Après l’examen de son dossier médical professionnel, qu’elle a elle-même mis à ma disposition, le doute n’était plus permis : il s’agissait bel et bien de lésions dues au travail répétitif. J’ai donc demandé un examen pour confirmer dûment le diagnostic, conformément à la loi en vigueur. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, quelques jours plus tard, j’ai reçu une lettre du médecin de l’entreprise, cosignée par le responsable des ressources humaines (ce qui montre bien que des cadres étrangers au corps médical ont débattu l’affaire), dans laquelle il indiquait qu’il était en désaccord avec mon diagnostic et laissait entendre que la travailleuse avait essayé de m’influencer dans mon évaluation – il était littéralement question de « tentative de manipulation du diagnostic de la part de la patiente».

J’avoue que j’étais atterré et déçu par l’attitude de ces deux cadres de Nestlé. J’ai jugé utile de faire lire la lettre à Maria Alice, afin qu’elle soit au courant de l’avis des cadres de son entreprise sur son cas. Elle fut également abasourdie à la lecture de la lettre, mais elle me dit qu’elle allait se soumettre à un nouvel examen et qu’elle me tiendrait au courant.

Dix jours plus tard, elle m’a informé du résultat de l’examen et a apporté de la documentation au sujet d’autres cas de travailleuses souffrant de LMR chez Nestlé. Deux autres travailleuses de la transnationale suisse avaient été mises à pied, alors même qu’elles présentaient les symptômes typiques de LMR et que l’une des deux avait même en sa possession un certificat médical d’un expert du ministère du Travail, attestant qu’elle souffrait de LMR. D’après le récit de Maria Alice, le scepticisme et la méfiance de l’entreprise sont humiliants et la situation soulève beaucoup d’indignation parmi ses camarades. Quel serait le diagnostic du médecin de Nestlé dans pareil cas?


Dr. Roberto Ruiz