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UITA
Unit les travailleurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de l'hôtellerie du monde entier


Réunion groupe professionnel HRCT 2003

Inséré sur le site web de l'UITA le 15-Jan-2004

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Tourisme durable

Point 5-2 : Tourisme durable


Présentation


Il y a probablement autant de définitions du tourisme durable que de parties impliquées dans celui-ci. Pour le mouvement syndical et un certain nombre d’autres organisations proches, le tourisme durable est un tourisme qui assure la pérennité de son développement en prenant en considération les impératifs de respect des droits des travailleurs et travailleuses du secteur et des organisations qui les représentent, de respect des populations des pays d’accueil, de respect des cultures des pays visités, de respect de l’environnement naturel des pays d’implantation, et enfin de respect des touristes eux-mêmes.

Enjeux


En quoi le mouvement syndical doit-il s’impliquer dans le développement d’un tourisme durable ?
Les décisions prises pour le développement du tourisme dans un pays ou une région donnée ont nécessairement un impact sur l’emploi dans le secteur. On peut imaginer que la construction un moment envisagée et autorisée d’un complexe de centres commerciaux, restaurants et aires de jeux à moins de 500 mètres du Taj Mahal dans la région d’Uttar Pradesh en Inde aurait, en dénaturant le site, sérieusement réduit le flux des 800 000 touristes étrangers qui visitent ce monument chaque année, avec toutes les conséquences prévisibles sur l’emploi. Ce projet a été stoppé fin juin 2003 par le gouvernement fédéral indien.
Les initiatives en faveur du tourisme durable doivent porter sur l’ensemble des aspects cités en introduction, y compris le respect des droits syndicaux et des travailleurs/euses. L’enjeu pour le mouvement syndical est d’obtenir des parties concernées (employeurs au niveau sectoriel, directions d’entreprises, autorités du tourisme, etc.) d’être associé aux discussions/négociations sur le tourisme durable et d’en profiter pour promouvoir ces droits.
Le tourisme durable, et plus généralement le développement durable, ont généré des initiatives de toute sorte. Selon leur nature (unilatérales ou négociées avec les parties prenantes) et leur contenu, elles méritent de recevoir l’appui des syndicats ou au contraire d’être combattues dans la mesure où, dans certains cas, elles peuvent avoir des conséquences négatives sur les salariés et salariées du secteur.
En particulier, les initiatives liées à la responsabilité sociale des entreprises (RES) peuvent soit être élaborées et négociées avec les interlocuteurs concernés, dont les organisations syndicales, et contenir des engagements réels, soit constituer un pur exercice de communication sans traduction réelle pour les salariés/es. Dans tous les cas, le rôle du mouvement syndical est de veiller que, sous couvert de RES, on n’assiste pas à une sorte de privatisation de la réglementation sociale, chaque entreprise adoptant ses propres règles de conduite et vidant ainsi de son sens les normes légales ou conventionnelles existant au niveau international ou national.

Activités


Nations unies
Rappelons que l’UITA avait produit avec la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et le Comité syndical consultatif auprès de l’OCDE (CSC-OCDE) un document d’appui (« Workers and Trade Unions in the Web of Tourism » - Travailleurs/euses et syndicats dans la toile du tourisme) pour la réunion de la commission du développement durable des Nations unies réunie en avril 1999. Les conclusions de la réunion avaient repris certaines des positions des organisations syndicales.
Sommet mondial du développement durable (SMDD – Johannesbourg, août-septembre 2002) : le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a consulté un certain nombre d’acteurs du tourisme, dont l’UITA, avant l’élaboration d’un rapport sur le tourisme élaboré en préparation du sommet. L’UITA n’a toutefois pas cautionné le rapport dont la rédaction et le contenu étaient sous la responsabilité exclusive de « l’industrie » (fédération internationale des tour opérateurs – IFTO, Association internationale des hôtels et restaurants – IH&RA, World Travel and Tourism Council – WTTC, International Council of Cruise Lines – ICCL).
L’UITA était représentée au SMDD et a saisi cette occasion pour faire connaître les prises de position essentielles de l’organisation sur le tourisme : politique de l’UITA dans le secteur du tourisme, prise de position sur l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, résolution adoptée par le 24e Congrès de l’UITA sur l’emploi durable dans le secteur, modèle d’accord concernant l’élimination de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants du fait du tourisme.
Les conclusions du SMDD consacrent un paragraphe encourageant les autorités publiques et les acteurs du tourisme à favoriser le développement d’un tourisme respectant l’environnement, profitable aux populations locales et facteur de réduction de la pauvreté et de progression des pays en développement. Elles ne comportent toutefois aucune référence directe aux droits des travailleurs et des syndicats.
Organisation mondiale du tourisme (OMT-WTO)
L’essentiel du suivi de la réunion des Nations unies en 1999 a été assuré par l’OMT, et notamment l’élaboration, l’adoption et la mise en oeuvre d’un Code mondial d’éthique du tourisme (voir ci-après).
Autres initiatives : l’OMT a organisé en mai 2002 un sommet mondial de l’écotourisme à Québec (Canada) dans le cadre de l’année internationale de l’écotourisme des Nations unies (2002). Le sommet a adopté une déclaration en faveur d’un tourisme écologique.
Une conférence a été organisée par l’OMT à Djerba en avril 2003 sur le tourisme et le changement climatique. L’activité touristique est particulièrement impliquée dans les changements climatiques dans la mesure où d’une part certains aspects du tourisme sont de nature à accroître les phénomènes de pollution et donc les changements climatiques et où d’autre part tout changement climatique durable dans une région donnée peut avoir des conséquences sérieuses sur le tourisme (voir par exemple les prévisions de raccourcissement des saisons de sport d’hiver dans les Alpes ou de montée du niveau des océans avec les conséquences sur les îles des Caraïbes et du Pacifique). La déclaration de Djerba demande de mieux prendre en considération le tourisme dans les réflexions sur les changements climatiques et de favoriser les initiatives des acteurs touristiques vers des choix en matière touristique moins nuisibles au climat.
L’OMT, en coopération avec la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a lancé à l’occasion du SMDD (voir plus haut) le programme : « Sustainable Tourism – Eliminating Poverty » (tourisme durable – éliminer la pauvreté). Cette initiative vise à encourager le développement d’un tourisme durable dans les domaines économique, social et environnemental qui combat réellement la pauvreté en apportant des emplois aux populations qui vivent avec moins d’un dollar américain par jour.
Elle reposera lorsqu’elle sera opérationnelle sur une fondation internationale chargée de trouver des financements, une base de recherches et un réseau opérationnel qui fera l’inventaire et encouragera les bonnes pratiques.
Codes éthiques et codes environnementaux
Code mondial d’éthique du tourisme : élaboré par l’OMT en consultation avec la plupart des parties prenantes à la notable exception du mouvement syndical, il comprend neuf articles qui fixent les « règles du jeu » pour les destinations, les gouvernements, les voyagistes, les promoteurs, les agents de voyage, les travailleurs du secteur touristique et les voyageurs eux-mêmes. Il prévoit un mécanisme d’application par la mise en place d’un Comité mondial d’éthique. L’UITA a en son temps indiqué au secrétaire général de l’OMT son désaccord sur le mécanisme d’élaboration du code mondial. Son contenu et son mode d’application ont cependant poussé l’UITA à s’inscrire dans ce processus.
Un comité mondial d’éthique sera chargé de surveiller l’adhésion au Code, réunir les informations sur son application et sur tout manquement, interpréter les principes du Code et les évaluer en proposant des amendements s’il y a lieu. Il établira une procédure de conciliation pour le règlement des différends.
Le comité exécutif de l’OMT réuni en juin 2003 a entériné les nominations au comité mondial d’éthique du tourisme. Il est composé de six représentants gouvernementaux des différentes régions, et, au nom des membres affiliés, d’un représentant des employeurs (Association internationale des hôtels et restaurants – IH&RA), d’une représentante du monde éducatif (Université de Bogaziçi, Turquie), d’un représentant des organisations non gouvernementales (Bureau international du tourisme social – BITS) et d’un représentant des travailleurs/euses (UITA – Patrick Dalban Moreynas titulaire, Nicos Epistithiou suppléant).
La première réunion du comité mondial d’éthique du tourisme se tiendra lors de l’assemblée générale de l’OMT en octobre prochain à Beijing (Chine). Nous devrons évaluer dans quelle mesure ce code peut devenir un instrument utilisable dans un sens favorable aux travailleurs/euses lors de conflits avec les employeurs du secteur.
Autres codes : la plupart des nombreux codes recensés ont été établis unilatéralement soit par les autorités du tourisme concernées, soit par les sociétés transnationales du secteur. Par ailleurs, de nombreuses sociétés publient chaque année, à côté de leur rapport annuel, un rapport sur leur « responsabilité sociale ».
Ils doivent être appréciés en fonction de leurs mérites respectifs mais dans la mesure où ils ne sont pas le résultat d’une négociation ou au moins d’une consultation avec les organisations syndicales et les autres parties concernées, ils devraient être considérés essentiellement comme des outils de communication non contraignants pour les sociétés ou autorités touristiques qui les ont élaborés unilatéralement. Le mouvement syndical n’a pas vocation à les entériner, ni à en discuter le contenu, ni à en assurer le suivi. En revanche, les syndicats peuvent constater les failles dans l’application de codes unilatéraux et s’en servir comme arguments de syndicalisation.
Les affiliées sont invitées à transmettre au secrétariat le texte de tout code (code éthique, code de conduite en affaires, code environnemental) dont elles auraient connaissance.
Des initiatives comme Destination 21, projet élaboré et mis en oeuvre au Danemark avec la participation du mouvement syndical, sont une démonstration de la possibilité d’une approche commune employeurs/syndicats sur la question de la durabilité du tourisme.
Dans le même esprit, l’UITA a été représentée par son affiliée FILCAMS-CGIL dans les discussions qui ont eu lieu dans le cadre du PNUE pour l’élaboration de la « Tour Operators Initiative – TOI ». Cette initiative dérivée de la Global Reporting Initiative (GRI) mise en place avec la participation du mouvement syndical international vise à définir des critères pour les rapports des voyagistes sur la durabilité. Grâce à l’insistance de la FILCAMS-CGIL, les critères les plus importants en matière de droit syndical et de droits des travailleurs/euses ont été insérés dans le TOI.
Une étude a été entreprise en 2002 sous l’égide de l’ONG nord-américaine Rainforest Alliance sur la faisabilité d’un conseil de gestion du tourisme durable (CGTD). Il s’agit d’étudier la possibilité de créer une structure internationale d’accréditation pour les organes de certification du tourisme durable et de l’écotourisme, déterminer les structures et mécanismes financiers les plus appropriés et définir les modalités de sa mise en oeuvre. L’UITA n’a pas jusqu’à présent collaboré à ce projet. Le secrétariat suivra l’évolution du projet pour évaluer s’il est nécessaire que le mouvement syndical y soit impliqué et informera le groupe professionnel d’une éventuelle suite à donner.
La sous-commission des droits de l’homme des Nations unies, qui réunit 26 experts indépendants, a voté à l’unanimité en août 2003 une résolution qui entérine la définition d’un certain nombre de normes applicables aux sociétés transnationales dont les conventions fondamentales de l’OIT. La résolution dit également que « chaque entreprise transnationale (…) devra adopter (…) et appliquer des règles internes en conformité avec ces normes (…). Les entreprises devront être sujettes à des contrôles réguliers et des vérifications par les Nations unies ou d’autres mécanismes nationaux ou internationaux existant ou à créer. Ces contrôles devront être transparents et indépendants… ». Ce texte doit être soumis à la Commission des droits de l’homme en mars 2004 et pourrait ensuite être présenté devant l’Assemblée générale des Nations unies. Quelles que soient ses imperfections, ce texte a le mérite de poser le principe de la responsabilité des entreprises et de la nécessité d’assurer l’application d’engagements par des contrôles sur le terrain, contrairement à ce que prévoit par exemple le Global Compact, liste de principes de bonne conduite initiée par les Nations unies. On ne s’étonnera donc pas que la chambre de commerce internationale ait fait connaître son opposition à la résolution adoptée par la sous commission des droits de l’homme le 13 août 2003.
Relations sociales internationales
A l’opposé de la démarche unilatérale menant à l’adoption de codes, certaines transnationales ont choisi de construire avec l’UITA des relations sociales internationales qui vont de la reconnaissance mutuelle et de la discussion des questions litigieuses à la négociation d’accords cadres internationaux. Le groupe Accor a signé en 1995 un accord concernant le respect du droit syndical dans l’ensemble du groupe. Des négociations sont en cours avec les dirigeants du Club Méditerranée à propos du droit syndical et des questions liées à la mobilité des salariés/es du Club (voir point 6-4 : sociétés transnationales).
Au niveau européen, la fédération européenne EFFAT et l’association européenne des employeurs HOTREC sont convenues le 20 juin 2003 de négocier un accord sur la responsabilité sociale des entreprises, comme celui conclu entre l’EFFAT et le CEFS dans le secteur du sucre.
L’EFFAT a produit en octobre 2002 un avis sur le tourisme et le développement durable. Un avis similaire a été adopté en novembre 2002 par le comité européen de liaison des syndicats du tourisme (ETLC). EFFAT et ETLC ont répondu en juillet 2003 aux services du tourisme de la commission européenne qui consultaient les parties prenantes sur un projet de document intitulé : « orientations fondamentales pour la durabilité du tourisme européen ». EFFAT et ETLC ont déploré que la commission considère de même nature les initiatives unilatérales et les accords négociés, qu’elle se prononce sans nuance pour une libéralisation totale du secteur touristique et qu’elle fasse référence en permanence à l’expertise de « l’industrie touristique » assimilant par ailleurs les organisations syndicales à des « groupes d’intérêts ».
Par ailleurs, certaines organisations affiliées ont monté leurs propres projets. L’organisation espagnole FECOHT-CC.OO a par exemple lancé le projet « Ethos » avec l’aide financière de la commission européenne et en partenariat avec des employeurs (Fédération espagnole des hôtels – FEH), un organisme intervenant dans la formation professionnelle (Fondation pour la recherche et le développement de méthodes et technologies applicables à la formation – Fundefor) et une organisation syndicale française (FdS-CFDT). Ce projet qui s’étend de décembre 2001 à octobre 2003 s’articule autour de la création d’un réseau dont l’objectif principal est de promouvoir la responsabilité sociale dans les entreprises européennes de l’hôtellerie. Il vise également à l’élaboration d’un code éthique de responsabilité sociale adapté à la réalité du secteur hôtelier.
Le comité pourrait souhaiter demander au secrétariat de procéder à un recensement des initiatives du même type dans lesquelles sont impliquées des affiliées.
Responsabilité sociale des entreprises
Soit par obligation législative, soit par conviction, soit par effet de mode et dans un but d’amélioration de l’image, la plupart des sociétés hôtelières publient parallèlement à leur rapport annuel un rapport sur la responsabilité sociale des entreprises. Ces rapports sont de la responsabilité unique des sociétés et les syndicats devraient éviter d’y apporter leur caution, fut-ce sous forme de participation à une consultation des parties prenantes. Comme les codes mentionnés plus haut, ils peuvent cependant être une source intéressante d’information et les syndicats peuvent en utiliser le contenu pour mettre les entreprises face aux manquements éventuels aux engagements pris dans ces rapports.
L’UITA a dénoncé en mai 2002 la publication du rapport sur la responsabilité sociale de McDonald’s qui ne cite pas une seule fois le mot syndicat et qui au contraire met en exergue toutes les méthodes mises en place par McDonald’s pour éliminer les syndicats de ses entreprises. Qui plus est, le rapport ne couvre absolument pas les activités des établissements franchisés qui représentent 70% des unités McDonald’s.
Birmanie
La question du tourisme en Birmanie va bien au delà de la question de durabilité. Elle est un aspect d’une lutte globale pour la restauration de la démocratie dans un pays dirigé par une junte militaire qui recourt au travail forcé, au travail des enfants, aux déplacements de population, etc.
L’UITA rejoint les organisations qui répondent à l’appel lancé par l’opposition démocratique au boycott du tourisme en Birmanie et au retrait des sociétés transnationales de ce pays. Le mouvement démocratique birman estime que l’activité touristique en Birmanie n’est pas de nature à favoriser les contacts ni à apporter un mieux-être à la population mais au contraire à enrichir et à conforter la clique militaire au pouvoir et ses affidés.
A la suite d’interventions répétées de l’UITA et d’autres organisations, le groupe Accor a décidé de stopper ses activités en Birmanie. Cette décision annoncée au comité européen en octobre 2002 a été finalisée dans les premiers mois de 2003.
Dans le même esprit, le ministère des affaires étrangères britannique a demandé instamment en juillet 2003 aux tour opérators et agences de voyage de supprimer la Birmanie de leurs destinations.